Voici un livre d’histoire peu ordinaire. L’auteur, Claude Dubois, est historien, ami et continuateur de Louis Chevalier, auteur d’un grand classique de l’histoire parisienne, Classes laborieuses et classes dangereuses. Il fait revivre non pas la Bastille – la place –, mais la Bastoche – le quartier qui l’entoure. Et cela dans une langue non académique, qui puise dans l’argot parisien, celui d’Aristide Bruant : « Par les temps qui courent… se réclamer du monde de Bruant… revient à s’inscrire en faux contre les tentatives d’éradiquer la Bastille de sa mauvaise graine, ces classes dangereuses chez elles depuis toujours dans ce coin chaud de Paris. »
La première partie plante le décor, qui se constitue depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’à la Première Guerre. D’abord la topographie : la Roquette, la Popinc’, le Faubourg, et l’épicentre, la rue de Lappe. Ensuite les « tribus », en premier lieu les Auvergnats, ébénistes, ferrailleurs, chaudronniers, présents depuis la fin du XVIIe siècle. Puis les « apaches », ces bandes de mauvais garçons qui hantent le quartier au tournant du XIXe et du XXe, immortalisés par l’affaire Casque d’Or. Enfin, la musique, le « musette », qui s’installe à la Bastoche dans les années d’avant 1914 : c’est « le temps de l’accordéon ».
La seconde partie, qui couvre la période 1918-1939, voit la prostitution s’épanouir dans les bordels de la rue de Lappe ou du quartier Saint-Paul, et le crime qui l’accompagne. C’est aussi l’âge d’or du bal-musette, marqué notamment par l’ouverture du Balajo, le 18 juin 1936, en plein Front populaire. La mémoire de Jo Privat, l’accordéoniste emblématique du Balajo, « quintessence du langage parigot », est longuement évoquée.
Ces quelques lignes ne permettent pas de rendre compte du foisonnement d’histoires relatées par ce gros livre. Heureusement, une table des matières très détaillée permet au lecteur de circuler dans le livre au gré de ses centres d’intérêt.
Michel Puzelat
La Bastoche. Une histoire du Paris populaire et criminel, de Claude Dubois, Perrin, collection Tempus, 2011, 615 p., 11,50 €.