Ancienne « rue-faubourg », la rue Oberkampf, aujourd’hui devenue un axe incontournable de la vie nocturne parisienne, garde les traces de son passé industriel et ouvrier.
La rue Oberkampf est une « rue-faubourg », qui s’est formée autour d’un ancien chemin rural allant au-delà du rempart de Charles V (aujourd’hui boulevard du Temple) vers le hameau de Ménilmontant. La rue actuelle s’arrête au boulevard de Ménilmontant, qui suit l’ancien tracé du Mur des Fermiers généraux, et traverse donc entièrement le 11e arrondissement d’ouest en est.
Le chemin, puis la rue ont porté plusieurs noms. Il a longtemps été appelé chemin de Mesnil Maudan, puis Ménilmautemps et enfin Ménilmontant, en référence au hameau qu’il desservait. En même temps que le chemin s’urbanise à la fin du XVIIIe siècle, ses tronçons prennent différents noms : rue Chapus ou Chapuy, du nom de l’échevin de Paris Gabriel Chapus de Malassis, sur sa portion basse jusqu’à la rue de la Folie-Méricourt ; rue de la Roulette jusqu’à la rue Saint-Maur, du fait d’un bureau d’octroi monté sur roues, situé au carrefour de la rue de la Folie-Méricourt ; rue de la Haute-Borne sur la partie supérieure.
En 1806, l’ensemble de la voie retrouve le nom de rue Ménilmontant, puis est renommée rue Oberkampf en 1864 en l’honneur de Christophe-Philippe Oberkampf, fondateur de la manufacture royale de toiles imprimées de Jouy-en-Josas, où était fabriquée la toile de Jouy.
Les habitants sont depuis l’origine des commerçants et petits entrepreneurs, ouvriers et artisans. Le commerce est l’une des activités traditionnelles de la rue, en particulier le commerce de détail, encore largement présent aujourd’hui. L‘artisanat et la petite industrie ont désormais disparu. Pourtant, ils ont longtemps tenu une place importante. Le travail des métaux et la petite mécanique y dominent dès le XIXe siècle : batteurs d’or, chaudronniers, fondeurs de métaux…
On peut voir les traces de ce passé industriel dans les nombreuses cités, comme la cité du Figuier ou cité Durmar, donnant sur la rue et dont le bâti est caractéristique de l’époque : petits passages au parcellaire chaotique, bordés de maisons à un étage surplombant des ateliers aujourd’hui reconvertis en bureaux ou en galeries, et à la végétation rappelant le passé rural du chemin.
La rue abrite également plusieurs bâtiments uniques, comme les bains-douches Oberkampf au n° 40-42, créés entre 1923 et 1932 lors de la première campagne de construction d’établissements balnéaires municipaux, et qui se démarquent des autres bains-douches de l’époque par leur décor soigné. Dans le même registre, se trouve au n° 160 la piscine Les Bains parisiens, construite en 1886, largement modifiée en 1927 dans un style art déco et ayant officiellement été inscrite au titre des monuments historiques en 2023 – Aragon l’évoque dans son roman Aurélien.
Dès la fin des années 1970, la rue et le quartier attirent des jeunes artistes et intellectuels, entraînant dans leur sillage l’ouverture de bars et lieux de vie nocturnes. C’est aussi l’occasion de redynamiser des lieux plus anciens comme le café Charbon, exemple d’établissement typique des bougnatsdu XIXe siècle, ou au n° 114 le Cithéa, ancien cinéma de quartier fondé en 1939, reconverti dans les années 1980 en théâtre, puis en café-discothèque renommé. L’héritage ouvrier se retrouve dans la toponymie des bars qui ont remplacé ateliers et commerces, comme La Mercerie ou le Mecano Bar – il a récemment fermé ses portes. Mais encore aujourd’hui, la rue est l’une des plus branchées et festives de la capitale.
Clément Manologlou